Le bonheur me tue - privé

July Martin

Dans le désert cendré qui s’étalait à perte de vue, Lilith, sous sa cape de voyage, avançait silencieusement. À moitié visible, elle passait très facilement pour un fantôme. Sous son capuchon, quelques mèches de ses longs cheveux doux comme la soie tombaient mollement sur ses épaules. On aurait dit que ses pieds ne touchaient même pas le sol. Le bas de sa cape noire était taché de cendres, mais ça ne paraissait presque pas. Et de toute façon, Lilith n’en avait rien à faire. Son corps avançait, mais son esprit, lui, était ailleurs. En fait, il était enfermé dans sa tête. Elle réfléchissait, comme la plupart du temps. Elle pensait encore à ce civil qu’elle avait tué, plusieurs années auparavant. Elle n’éprouvait aucun remord, pas même une once de culpabilité. Au contraire, elle examinait les faits de façon posée. Elle évaluait ce qu’elle avait ressenti lors du meurtre, mais pas de manière émotive. Plutôt… ce qui l’avait amenée à tuer.

Cette journée-là, elle avait décidé de prendre son rôle de chimère au sérieux. Elle avait apprit la torture quelques temps auparavant, mais y avait renoncé aussi vite. Le sang, la chair, ce n’était pas pour elle. Lilith aimait user de… Délicatesse. Si ce terme convenait, évidemment. Elle avait encore en tête l’image de cet antechimera qui lui avait échappé, par faiblesse. Elle devait le retrouver, à tout prix. Pourtant, elle n’y arrivait pas. Ils étaient tellement nombreux, et elle, sa spécialité, c’était de se cacher, pas de trouver. Chaque humain qui avait croisé son chemin, elle l’avait épargné. Mais en cette journée, particulièrement ensoleillée, Lilith avait décidé de s’essayer. Elle avait vu un civil s’approcher, s’approcher un peu trop près. La chimère s’était alors dévoilé à ses pauvres yeux vides d’humains, sa longue chevelure crème scintillant presque au soleil. Elle lui avait sourit, presque ironiquement. Puis, elle s’était attaquée à son esprit. Elle s’était mise à fouiller violement dans son passé, à détruire chaque parcelle de bonheur qu’elle trouvait. Elle n’était plus consciente de ce qu’elle faisait, emportée par la cruauté. Puis, il n’y eu plus rien à détruire. Il était mort. Lilith s’était alors retirée de sa tête, déçue. « C’est tout? » Eh bien… Oui. La chimère avait abandonné le corps et était repartie à la chasse de son antechimera. Elle n’avait pourtant pas arrêté de penser au meurtre du civil. L’idée d’avoir tué ne lui faisait rien, aucuns remords. Mais c’était … vide. Le vide. Peu de temps après, elle avait trouvé son « ennemi ». Elle avait commencé de la même manière, et alors le plaisir était revenu. Mais cette fois-ci, elle avait senti une barrière. Une barrière qu’elle ne franchit pas. Elle se retira de la tête de sa victime et aperçut avec satisfaction qu’il était toujours vivant. Qu’il souffrait. Qu’il souffrirait probablement pour toujours. Comblée, Lilith disparu à nouveau.

Chaque fois qu’elle procédait à nouveau, elle avait ce même sentiment de bien être. Pas plus tard que la veille, elle l’avait ressenti. Un anteghost, antechimera ou un civil, elle ne s’en rappelait déjà plus. Elle n’aimait aucun représentant de ces trois races. Limite si elle les méprisait. Les fantômes, en revanche, elle n’avait rien contre eux. En fait, ils la laissaient indifférente. Ni amitié, ni haine. C’est pourquoi quand, au loin elle aperçut une silhouette presque transparente, elle n’émit aucun geste agressif. Elle resta impassible, sous sa cape et son capuchon. Elle s’agenouilla dans les cendre et se mit à jouer avec, le caressant de ses fins doigts.

|| Bonjour .

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